Par Charles Pepinster, initiateur du Groupe Belge d’Education Nouvelle (GBEN) – pédagogie du Chef-d’Oeuvre. Publié dans Système éducatif
Des écoles à pédagogie du chef-d’œuvre ont trouvé un terrain favorable en Belgique pour se développer en toute légalité surtout dans l’enseignement public.
Est-ce réaliste et réalisable partout, même en France jacobine, dans l’opulent Luxembourg, chez les petits Suisses, dans la jolie Tunisie, au pays des Daciens, en Amazonie bolivienne ?
Tendez l’oreille et jetez un œil, je vous explique le lien.
Dans un état démocratique, ce qui n’est pas interdit est permis
donc partout où on lit puis on adhère à : « Du Chef-d’œuvre pédagogique à la pédagogie du chef-d’œuvre » édité chez Chronique sociale à Lyon *, on peut jouer l’audace émancipatrice comme au pays de Magritte et de Tintin où ça commence à se répandre.
Donc, même si, dans votre pays, vous êtes obligés, par voie légale, de mettre des notes à vos élèves, la notation étant clivante entre l’éducation traditionnelle et la pédagogie chère à nos cœurs, vous pouvez/devez transgresser intelligemment comme le préconisait André de Peretti et installer l’Educ/Nouv comme si partout vous étiez dans ce petit royaume aux accents gaulois, couvre-chef de l’Hexagone.
Voici deux exemples :
- Cours de mathématique ou de langue ou de sciences ou de musique : vous respectez le programme et l’obligation éventuelle de mettre des notes MAIS, puisque ce n’est pas interdit, vous faites subir les épreuves (Oh !) à des duos successifs et non plus à des individus isolés, punis s’ils s’entraident.
Je m’explique : les élèves sont prévenus qu’ils doivent bien étudier leur leçon de maths, d’anglais, de physique, pouvoir solfier une partition simple… pour répondre à deux, livre fermé, et ceci à deux reprises aux questions du prof (c’est celui-ci qui constitue les duos).
Dans un premier temps, A et B répondent ensemble le mieux possible. Puis, dans un second temps, A rencontre C et B fait équipe avec E ou F ou G … qui viennent déjà de répondre de leur côté. Ce second et nouveau duo, reprend les questions de l’interro et y répond le plus adéquatement possible.
Ensuite, on forme de façon aléatoire des quatuors qui réalisent chacun une grande affiche avec les réponses. Pour l’évaluation, qui incombe désormais aux élèves et plus au professeur, les affiches passent d’un quatuor à l’autre ; on y souligne en rouge tout ce qui paraît exact et on ajoute en vert d’éventuelles corrections, d’éventuels ajouts, avec ou sans l’aide du professeur toujours disponible.
Enfin, chaque quatuor retrouve son affiche à laquelle il attribue lui-même une note, note qui figurera sur le bulletin de chaque équipier : socio-notation
C’est ça, l’auto-socio-évaluation, un moment d’apprentissage et plus de sélection. On casse la machine à exclure qu’on remplace par une machine à apprendre non seulement la matière mais aussi la citoyenneté. Oui, il faut faire sauter ce terrible verrou qu’est le chiffrage arbitraire des élèves, la marchandisation du savoir, la spéculation, la tricherie… en le contournant.
Sinon bernique, pas de véritable révolution éducative. Et ce dynamitage est possible partout, pas seulement chez ceux qui tirent au cul comme le chantent les légionnaires dans : « Tiens, voilà du boudin. »
Mais oui, un prof au volant de son automobile, ne fonce pas dans un obstacle sur sa route, il le contourne adroitement. Pourquoi n’en ferait-il pas autant en classe lorsqu’il doit faire subir des épreuves à ses élèves et les noter la mort dans l’âme ?
2. Second champ de bataille pédagogique : les devoirs du soir. Place aux devoirs au choix libres.
Dans la pédagogie du chef-d’œuvre (*), les élèves qui le souhaitent préparent chez eux un truc qui risque d’intéresser les condisciples, par exemple un mot croisé géant, une sonate de Franz Schubert, un tour de magie, un poème, une blague belge.
Ainsi, les jeunes cessent de se soumettre à un maître mais ils partagent leurs savoirs dans un climat de confiance où tous sont capables d’inventer, d’apprivoiser la peur petit à petit, de s’engager, de s’estimer. Cette pratique constitue un entraînement à prendre la parole en public, capacité exaltée par la présentation d’un chef-d’œuvre pédagogique en fin de cycle.
Bref, partout, et pas seulement en Belgique où la liberté des méthodes est garantie aux écoles par la loi, les enseignants peuvent pratiquer l’Education Nouvelle en toute sérénité. Fini de se cacher derrière son petit doigt : « Oui, chez vous c’est possible mais chez nous…les parents, l’inspecteur, le règlement ! »
Non, qui veut peut, partout, hardi, hardi !
Mais attention ! Mieux vaut agir discrètement car si la liberté des méthodes existe dans certains pays, les directions d’établissement usent parfois/souvent de cette latitude pour, dans un règlement d’ordre intérieur ‘obliger’ ses profs à noter comme d’habitude des interros individuelles, à disposer d’un carnet de notes pour participer aux conseils de classe.
La notation est comme un Phénix qui renaît toujours de ses cendres. Rares sont les Hercule de la pédagogie qui coupent la tête principale à l’Hydre de Lerne moderne qui empuante l’école.
Discrétion donc. Il est bon d’accumuler les témoignages positifs des élèves pour
riposter s’il échet…
Une autre façon de procéder, c’est d’expérimenter l’auto-socio-évaluation discrètement dans sa classe, recueillir les réactions écrites des élèves et, muni de ce trésor, rencontrer la direction pour révéler la nouvelle approche et ses avantages et pour négocier un virage exaltant. Si plusieurs profs se liguent…S’ils sont accompagnés d’élèves enthousiastes…
Ch. P. pepinstercharles@yahoo.be (GBEN)
initiateur du Groupe Belge d’Education Nouvelle (GBEN) – pédagogie du Chef-d’Oeuvre.
(*) Le 5 octobre 2018, au Salon de l’Education de Bruxelles, Léonard Guillaume, Jean-François Manil et moi avons présenté notre livre collectif : « Du chef-d’œuvre pédagogique à la pédagogie du chef-d’œuvre » à une assemblée de 90 personnes.
Encore un bouquin de plus ! Pourquoi ?
Parce qu’il fait faire un bond en avant à l’Education Nouvelle.
Celui-ci propose, en effet, une solide alternative aux insupportables examens externes chiffrés qui guident tout l’enseignement, à la carence culturelle d’une école généralement centrée sur le rendement ‘scolaire’ étroit et compétitif sans cesse mesuré.
Il montre surtout une dimension nouvelle à l’acte d’apprendre en invitant au partage des connaissances entre apprenants de tous niveaux : on élabore des savoirs qui ont du sens, certes seul puis en groupe pour soi-même mais ici dans l’intention manifeste d’en faire bénéficier les autres.
En enseignant/transmettant/faisant apprendre, on apprend soi-même deux fois tout en posant un acte citoyen de rencontre fraternelle.