2023 : Un Institut Pédagogique Provisoire ?

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La contribution de Raymond Millot et du Collectif Education Commun qui lance le débat :

INDIGNATION – ANALYSE – PROPOSITION

L’éducation est un bien commun qui en tant que tel, ne doit pas dépendre d’un quelconque pouvoir politique ou économique mais faire l’objet d’une construction collective évolutive élaborée démocratiquement.

L’organisation de cette « construction collective » devra comprendre un Institut Pédagogique où seront examinés des problèmes, tels ce fait scandaleux révélé en septembre 2023 par le juge Edouard Durand et la CIIVISE :

1 fille sur 5 et un garçon sur 13 sont victimes d’inceste et de violences sexuelles

CE CONSTAT DEVRAIT AVOIR L’EFFET DE ME TOO ! CE N’EST PAS LE CAS, POURQUOI ?

L’Institut Pédagogique Provisoire, I.P.P.  ouvre le débat.

Les hommes ont manifestement l’habitude historique de cacher les souffrances des enfants sous le tapis. [1] Contrairement aux femmes qui ont su se faire entendre « Me Too ! », les enfants ne peuvent eux-mêmes s’exprimer. Il faut donc que celles et ceux qui n’entendent pas se résigner devant ce fait monstrueux et leurs souffrances en général, s’emparent du problème...

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Nous verrons que l’institution scolaire n’est pas en mesure de le faire du fait qu’elle est elle-même impliquée ! Nous proposons d’entrer dans le sujet par une analyse du statut qui est imposé aux enfants depuis la nuit des temps comme l’ont fait pour elles-mêmes les femmes avec « Me Too » en 2017, comme le font aujourd’hui les Iraniennes

Il est possible de poser très simplement le problème en termes d’objets et de sujets.

Le Juge Durand au sujet de l’inceste, parle de « victimes ». Il ne récuserait pas le constat que ces nombreux enfants sont traités par les adultes comme des « objets sexuels ». Il semble ne mettre en cause que la famille et/ou l’entourage familial de l’enfant, alors que le scandale touche aussi des « éducateurs » particulièrement dans les institutions religieuses mais aussi dans les « colonies » et centres de loisirs laïques…

Il faut aussi considérer que les enfants ont connu massivement, au fil des siècles, le statut d’objets économiques ». Aujourd’hui encore, selon l’UNICEF : « Dans le monde entier, des millions d’enfants sont privés de leur enfance parce que contraints d’exercer un travail mettant en péril leur santé et leur éducation ».

L’UNICEF entend susciter l’indignation…mais donne à croire que la scolarisation apporte une réponse satisfaisante aux deux problèmes.

Une analyse critique permet de constater qu’en tous pays, l’école fournit aux enfants, plus mal que bien, les outils d’une possible « émancipation » (lecture, sciences…), mais qu’avant tout, elle leur impose un statut d’objets économiques que l’on forme pour les besoins de la société, son développement économique ; et souvent d’objets politiques que l’on formate plus ou moins explicitement pour effectuer « la reproduction sociale », ou pour « se sacrifier » pour la Patrie (l’objectif de Jules Ferry a été atteint d’une manière inespérée en 14-18).

« A gauche » on a oublié, ou l’on ignore, que lors de la Commune de Paris, les membres de la Société « l’Education nouvelle », étaient porteur•se•s d’un espoir d’éducation émancipatrice. Vaincus, ils ont considéré que l‘école gratuite et obligatoire de Jules Ferry constituait un progrès non négligeable, un moindre mal… Cette « Ecole de la République » est aujourd’hui difficilement remise en question tant elle est menacée. Néanmoins, fait important, le président de l’Institut de recherches de la Fédération syndicale unitaire (FSU) Paul Devin, se le permet…[2]

Dans la confusion actuelle, il importe que notre réflexion soit accessible au plus grand nombre.

Très concrètement, tous les parents peuvent faire le constat suivant :

  • A l’école maternelle, (telle qu’elle a été historiquement pensée), l’enfant est considéré comme un sujet dont les rythmes de développement ne sont pas uniformes. On l’encourage à s’exprimer dans des petits groupes où il constate des perceptions différentes de la réalité et des rapports sociaux, où sans faire la morale, on l’invite à comprendre et respecter, voire construire les règles de la vie en commun. Ces pratiques sont évidemment favorables à l’expression des peurs, des émerveillements, des questions que les enfants se posent sur la vie.

La préoccupation d’en faire la propédeutique de l’école primaire est hélas en cours !

  • De l’école primaire à la classe terminale, dès 6 ans, les enfants sont plus ou moins explicitement traités en objets économiques en formation. Les parents sont contraints de leur dire, en souhaitant les flatter, que maintenant ils sont grands… Devenus « élèves », ils sont formatés par des programmes qui compartimentent les savoirs, des « progressions » au cours desquelles se produisent les sélections nécessaires pour perpétuer, « reproduire » (cf. Bourdieu), le système économique et politique régnant.

Les professeurs peuvent avoir du respect pour les enfants, les considérer comme des sujets dans leurs relations, mais les systèmes de notation, d’examens transforment les enfants non plus en « apprenants » s’intéressant aux matières enseignées mais en travailleurs payés par des notes. Nombreux sont les professeur•e•s qui déplorent que la matière qu’iels enseignent intéresse moins que la note obtenue lors d’un contrôle.

On peut remarquer que le formatage qui s’opère, prépare, objectivement, au travail tel qu’il est conçu dans nos systèmes économiques « capitalistes » (et tout autant, dans les systèmes se prétendant « communistes »).

La fameuse « valeur travail » telle qu’elle nous est vendue est actuellement contestée par les travailleur•se•s qui sont de plus en plus nombreux en quête de « sens ». Et c’est le même combat qu’il s’agit de mener dans le domaine éducatif quand nous préconisons un maximum de fonctionnalité dans les apprentissages scolaires pour leur donner « du sens ». Et pour ce faire, il faut ouvrir l’école sur la vie réelle, et singulièrement, reconnaissant que nous sommes dans « l’anthropocène », l’engager dans les combats collectifs visant à éviter « l’effondrement ».

Il est ainsi possible d’opérer une « bifurcation » : le passage du statut d’objets économiques au statut de sujets politiques dans la mesure où les enfants seront, comme nous le souhaitons, acteurs de la transformation de la société, et non plus comme aujourd’hui, de sa « reproduction ». 

En revanche la bifurcation d’objets sexuels à sujets sexuels qui se conçoit bien concernant les femmes, se pose d’une autre manière pour les enfants et particulièrement à l’école.

Les enfants qui subissent des agressions sexuelles ont besoin de soins psychologiques. Il importe, en premier lieu, que les acteur•rice•s du champ éducatif soient conscient•e•s du fait monstrueux qu’un enfant sur sept est une victime sans qu’on le sache, sauf exception.

C’est donc la qualité de la relation établie avec tous les enfants qui constitue une réponse au problème. Que l’enfant victime soit replié sur lui-même, ou agressif, il bénéficiera du climat social établi où la dignité de chacun•e est respectée, où lui est reconnu un statut de sujet, et du climat d’empathie qu’il importe d’instituer.

A cet effet il est possible et nécessaire de pratiquer, dès l’école maternelle, une réflexion systématique sur les faits de la vie collective pour construire le respect de la différence, comprendre les raisons des comportements spontanés, déconstruire les préjugés, les traditions contestables, procéder à une instruction civique adaptée à l’âge (ce qui peut se faire après 6 ans, dans le sillage des « conseils de coopérative » initiés par Célestin Freinet).

Avec les collégien•ne•s, pour éviter les drames qui défraient la chronique (harcèlement, etc.) indépendamment des « cours d’instruction civique », une pratique autogérée de la vie collective devrait permettre de résoudre les conflits et de débattre sur les sujets d’actualité.

Il est même possible d’imaginer l’instauration, au collège d’une heure hebdomadaire, dans toutes les classes, animée par un professeur spécialisé en sociologie et en animation de groupe. Le coût d’une telle innovation serait très largement compensé à moyen et long terme par le bénéfice social, et à court terme en diminuant considérablement les phénomènes de harcèlement, les suicides, le mal être que connaissent beaucoup d’enfants.

C’est là un second sujet dont aurait à traiter l’Institut Pédagogique (I.P.P.) que nous proposons de faire vivre.

Le 6 octobre 2023 – Raymond Millot et le Collectif Education Bien commun

Notes

[1] L’Observatoire National de l’Enfance en Danger (ONED) pouvait en décrire l’Histoire par exemple nous rappeler que : « La plupart des sociétés patriarcales antiques accordent presque toutes au père le droit de vie et de mort sur ses enfants ou celui de les vendre comme esclaves… ». « Au début du Moyen Âge, la vente d’enfants dans les foires est avérée, et l’exposition aux portes des églises généralisée… ». « Le législateur peut dorénavant protéger l’enfant contre ses parents, en prononçant la déchéance de la puissance paternelle. Le projet de loi se heurte, cependant, dès 1883, à une opposition vigoureuse de la droite ».   

[2] Paul Devin (FSU) écrit dans un article titré « En dénonçant le “pédagogisme”, le chef de l’Etat nourrit un objet fantasmatique » (le Monde du 31 08 23) :

  • « On oublie aussi que la prétendue assurance de cette école à créer des républicains ne l’a pas empêchée de former des générations qui feront le lit de l’antisémitisme et des penchants pétainistes. Et, plus tard, de générations qui ne se révèlent guère capables d’exiger la réalité d’une égalité promise par les valeurs républicaines ».
  • « La formulation des « hypocrisies » auxquelles il nous faudrait renoncer est bien là pour affirmer la ligne essentielle : pour une part de la population scolaire, évidemment celle des milieux populaires, il faut revenir à une formation centrée sur les seuls besoins immédiats des entreprises, aux dépens de leurs désirs d’orientation ou de leur volonté d’études supérieures. »   

Vous pouvez signer et nous vous invitonsà soutenir ce projet. Les signatures avec vos références (nom, prénom, qualités) et les éventuelles contributions peuvent être envoyées parmail à nadine.lanneau@gmail.com

Toutes les contributions sont rassemblées dans une page attribuée : L’I.P.P. lance le débat

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