Par une maman en colère. Publié dans Coéducation
C’est un proverbe africain qui le dit et il y a parfois du bon à se souvenir des sagesses ancestrales…
Dans nos sociétés industrialisées, on se trouve malheureusement, en tant que parents parfois beaucoup trop isolé. Certes, les enfants (la grande majorité) vont à l’école et sont aussi éduqués, de fait, par la société dans son ensemble : l’enfant perçoit qu’il est bien, ou non, de se comporter de telle façon, d’avoir telle ou telle activité ; il ou elle acquiert des valeurs (qui ne sont pas toujours celles que les parents auraient voulues !), développe des savoirs, des habiletés qui peuvent étonner ses parents. Pourtant, ceux-ci sont seuls à porter la responsabilité de l’éducation de leur enfant, et on le leur reproche assez lorsque cet enfant dévie de la norme !
Les parents sont évidemment plus ou moins entourés ; les enfants grandissent dans des cercles familiaux et amicaux plus ou moins larges – ou restreints. « Porter » un enfant est éminemment plus facile si l’on peut se reposer un moment sur une autre personne ou co-porter. « Il faut tout un village » ; c’est un gage de succès.
Mais que se passe t-il justement lorsque ces cercles sont trop restreints ?? Lorsque ce « village » n’existe pas ??
Les familles sont aujourd’hui souvent dispersées (parfois à l’autre bout du monde), déchirées, fragilisées par la maladie ou la précarité ; les sociabilités paysannes et ouvrières n’existent plus que marginalement ; les enfants peuvent rarement circuler en sécurité en dehors des « lieux d’éducation » ou de la maison.
Il existe certes des dispositifs de « soutien à la parentalité » ; hélas, si ces dispositifs existent, c’est bien que la société dans son ensemble n’est pas conçue pour être un tel soutien ! Le parent se sent en faute, coupable de ne pas « y arriver » tout seul. S’il n’est pas « convoqué », il ne sait pas vers qui se tourner pour demander de l’aide ; s’il est « convoqué », la relation est d’emblée biaisée…
Certaines collectivités essayent de développer la « co-éducation », à l’occasion notamment des « projets éducatifs de territoire », en organisant des temps d’échanges entre parents et professionnel.le.s, des soirées-débats, des moments conviviaux partagés. Le plus souvent cependant il s’agit de réunions très formelles où il n’est pas question de discuter des difficultés des uns et des autres (on y discute déjà rarement de ce que l’on met derrière les mots d’ « autonomie » de l’enfant, « respect de ses besoins »…). Chacun craint d’être remis en cause, mal jugé; il y a des statuts inégaux; et il n’y a pas de projet partagé d’éducation : l’éducation en tant que telle fait difficilement objet de débat ; il n’est pas question de discuter des« valeurs éducatives » des uns et des autres (les enseignants ne sont même pas censés en avoir puisqu’ils sont là pour faire apprendre le programme) et on n’y discute pas non plus de la « réussite ». En réalité, chacun.e fait son possible dans un cadre global qui n’est pas conçu pour l’enfant : les horaires de travail sont-ils conçus en se préoccupant des enfants ? Leur demande t-on leur avis sur ce qu’ils apprennent ? La distinction même entre travail (temps scolaire) et loisirs a t-elle du sens pour l’éducation des enfants ? De toutes façons, il y a ceux qui s’en sortiront bien, et les autres. C’est malheureux mais tous n’ont pas les mêmes possibilités, n’est-ce pas ?!
Parler de « co-éducation » aura un sens lorsqu’on se souciera que chaque enfant ait accès à des conditions de vie favorables à son bon développement ; parler de « co-éducation » aura un sens lorsqu’on se souciera du monde dans lequel on fait grandir, collectivement, tous nos enfants, et du monde qu’on leur laissera ; parler de « co-éducation » aura un sens lorsque l’éducation visera, globalement, à développer les habiletés propres de chaque enfant, sans préjugé, et à lui donner les moyens d’avoir une vie digne.
Une maman en colère