Par Michel EYMARD, ancien des Ecoles expérimentales de la Villeneuve de Grenoble, responsable de l’ex Centre de Classes-Lecture de Grenoble. Publié dans Recherche-action.

Les écoles expérimentales ont permis d’explorer de nouvelles pistes d’organisation de l’école et de construction des savoirs.

Elles ont mis en évidence :

• que le statut des personnes (la manière dont elles se perçoivent comme la place qu’on leur attribue), dans l’école en particulier, comme dans la société en général, pouvait évoluer en participant à la conception et à la réalisation de projets.
• que l’évolution du statut s’accompagnait d’une évolution du rapport à l’écrit, si l’écrit était utilisé pour penser l’action dans laquelle les individus étaient engagés, et si la maîtrise de son usage était une préoccupation constante du groupe.

Les écoles expérimentales n’ont pas réussi à infuser suffisamment, bien que la pertinence de leurs pratiques ait pu être constatée. Sans doute parce que ces pratiques bousculent l’ordre établi.

Ce dont peuvent ne pas vouloir ceux qui possèdent déjà les moyens de la conquête du pouvoir.

Ce dont peuvent ne pas avoir envie ceux qui pressentent qu’ils devront s’investir et donc modifier leur train-train quotidien.

Ce dont ne se doutent même pas les publics dont on dit qu’ils sont éloignés… empêchés… (par qui ? de quoi ?).

Alors, une suggestion : et si on passait d’écoles expérimentales à communes expérimentales ?

Combien de listes élues aux dernières élections municipales ont mis en avant la participation des citoyens dans leur programme ? Elles sont nombreuses.

• Que recouvrent les termes « participation citoyenne » ou « démocratie participative » pour celles qui la prônent ou en ont fait leur marque de fabrique ?
• Quels objectifs assignent-elles à cette démarche ? De quel constat/diagnostic, de quelle analyse partent-elles ? Sur quels indicateurs s’appuient-elles ? La promotion collective est-elle à l’ordre du jour ?
• Comment envisagent-elles de mettre ces concepts en pratique ? Ont-elles envisagé une méthode de travail ?
• Depuis l’élection, qu’est-ce qui a été mis en place ? Quelles difficultés ? Quels objets de satisfaction ?

Seraient-elles disposées à entrer dans une recherche action pilotée par l’AFL, Association Française pour la lecture (en partenariat avec une association d’élus ?) permettant :

• D’interroger collectivement les différentes approches, les différents objectifs
• D’élucider ce que requiert une participation des citoyens à la vie de leur commune
• D’expérimenter localement des dispositifs pensés collectivement
• De participer à la définition d’indicateurs d’évaluation de la démarche au niveau des élus, de la population en général, des familles et des enfants en particulier
• De participer à une réflexion collective sur ce que chacun aura mis en place et constaté.

A voir si la recherche-action doit être centrée sur l’usage et la place de l’écrit dans la mise en œuvre de la participation citoyenne et quelles en seraient les retombées au niveau des enfants.

On pourrait ainsi mettre à l’épreuve les acquis des écoles expérimentales (hétérogénéité, gestion du temps et de l’espace, pédagogie du projet, coéducation, rapport à l’écrit…) à l’échelle d’un groupe social tout entier.

On pourrait voir ce qui fait résistance à une transformation de l’ordre établi et comment ces blocages peuvent (ou pas) être dépassés.

On pourrait interroger ainsi les questions de pouvoir et d’inégalités, la pertinence de dispositifs tels que le Contrat Territoire Lecture, le Contrat Territorial d’Education Artistique et Culturelle…

On pourrait peut-être aider à redonner de la vigueur à la vie démocratique qui en a bien besoin.

Bref, on se donnerait des perspectives !

Rencurel, le 7 mars 2021

Michel EYMARD, ancien des Ecoles expérimentales de la Villeneuve de Grenoble,

responsable de l’ex Centre de Classes-Lecture de Grenoble,

ancien élu municipal dans le Vercors