Un autre regard

Publié dans « Système éducatif »

Recommencer un nouveau départ

Notre planète ne se soucie guère de nos frasques, elle qui en a déjà vu tant d’autres. Rappelons qu’à l’échelle planétaire et rapporté à une seule année, dans le calendrier de Carl Sagan, si le big bang a eu lieu le 1er janvier et que notre terre est apparue le 14 septembre, l’homme moderne n’a fait son apparition que le 31 décembre vers 23h57. Et pourtant dans la dernière minute et plus précisément dans la dernière poignée de seconde, il a été capable d’accélérer la 6ème plus grande extinction de masse que la terre ait connue, en profitant même pour commencer par scier la branche sur laquelle il est assis. 

Par contre, si la terre nous ignore, elle qui n’aurait pas besoin de plus de 500.000 ans (ou quelques minutes selon le calendrier de Sagan), pour effacer toute trace de notre passage, si nous venions à disparaître du jour au lendemain, la nécessité d’un nouveau départ est inéluctable, pour l’avenir de l’humanité, qui a suivi un chemin trop hasardeux il y a déjà quelques milliers d’années. Que ce soit de façon socio-économique, professionnel ou a commencer par la scolarité, les dogmes qui règnent sur notre société doivent être repensés, si l’on veut donner une chance à nos enfants.

Le témoignage d’un autiste asperger et de son fils que l’école ignore

Alors que je pourrais aussi bien développer sur un contexte socio-économique qui court à sa perte, basé sur la possession, le pouvoir, l’argent, et non le partage, comme une fusée qui décollerait sans assez de carburant… j’apporte ici mon témoignage, de la difficulté que tout un chacun a pu rencontrer, dans un mode de scolarité désuet, qui nécessite une restructuration totale, pour la contribution à l’épanouissement de chacun dans un monde que l’on voudrait meilleur… Un vain rêve d’utopie.

Mon fils et moi sommes tous les deux, autistes Asperger, HPI et THPI. Diagnostiqués depuis peu, notre scolarité, à deux époques différentes se trouve pourtant sur le même chemin. Celui de la désillusion. Pire encore, les difficultés d’une époque se retrouvent augmentées et même exacerbées, par un contexte mondial en pleine décadence. De là à croire en la théorie de l’effondrement programmée, j’avoue que si rien ne change radicalement et rapidement, j’en suis pleinement partisan. 

Lorsque j’étais en primaire, j’avais d’énormes facilités et des troubles autistiques très peu marqués. On m’appelait parfois monsieur je sais tout, mais le corps enseignant n’y prêtait pas attention. Alors que la méthode d’apprentissage, basée sur la répétition, et qu’une seule écoute me suffisait, je fût vite fatigué par un tel décalage. Je commençais alors rapidement à ne plus écouter que d’une oreille, et je passais mon temps à être repris pour bavardage. Très vite je me contentais de rendre mes devoirs sans jamais réviser. Toujours avec de très bonnes notes jusqu’à la fin du collège, la grande difficulté arriva réellement lorsque j’ai commencé le lycée. Effectivement comme beaucoup d’Asperger, HPI ou THPI, je n’avais pas appris à apprendre ni à aller consulter les livres. C’est ainsi qu’après avoir doublé ma seconde, puis ma 1ère, et finalement raté mon bac, je suis allé travailler sans diplôme dans des métiers de manutentions, pensant que j’étais moins intelligent et pas doué pour apprendre, comme le faisaient en revanche très bien mes camarades de classe, très à l’aise pour apprendre du par cœur. Par chance, contrairement à d’autres, vite usé par une génétique probablement trop fragile, j’ai été contraint après seulement 6 ans de travail, à une reconversion professionnelle. C’est là que la psychologue, qui me faisait passer les tests, stupéfaite de mes résultats et ne comprenant pas comment je pouvais en être là, me faisait comprendre à l’époque, que je n’étais pas à ma place et qu’il fallait que je fasse de l’informatique. Mes facultés m’ont permis de refaire des mises à niveau et de finir par bénéficier d’une équivalence d’ingénieur. Après un parcours professionnel plutôt bien rattrapé diront certains, mais en fait alterné de satisfactions et surtout de chaos, je me rends compte que j’ai été dirigé vers l’évidence, mais pas forcément vers le chemin que j’aurais voulu. Et comme il n’est jamais trop tard et que ma santé ne s’améliore pas. Il est temps pour moi de passer encore à autre chose…

Mon fils de 11 ans quant à lui, bien qu’avec un parcours un peu différent et loin d’avoir terminé ses études, est malheureusement en train de s’engager sur la même voie. Bien qu’il ait sauté deux classes, car ses professeurs avait rapidement constaté ses capacités, à commencer par une pleine maîtrise de la lecture dès 3 ans et demi, l’apprentissage pas du tout en adéquation avec ses aptitudes a fini par l’engager vers un début de décrochage scolaire lors de son arrivée en 6ème. Toujours suffisamment à niveau, pour passer de classe en classe, mais avec un manque d’intérêt de plus en plus marqué pour l’école, il commençait les mauvaises notes, attribuées dans des nouvelles matières où la notion d’apprentissage par capacités aurait eu tout son sens. Suite à de premières difficultés relationnelles en primaire, nous avions souhaité avec sa maman, le mettre dans une école privée, pensant que ses difficultés seraient mieux comprises, et qu’il serait mieux soutenu. Grosse erreur de notre part, malheureusement. Comme souvent chez les enfants à particularités, le harcèlement que nous n’avions pas détecté dès son entrée en 6ème était venu se greffer à une méthode d’apprentissage inadaptée. Pensant que ses difficultés grandissantes étaient seulement dues à certains de ses troubles d’autistes, ceux-ci se sont aggravés en 5ème. Comprenant finalement alors que ces difficultés étaient aggravés par un harcèlement justement basé sur ses troubles, j’ai cherché à rapidement trouver une solution avec le collège. Montrant toute son incapacité à s’occuper du sujet, le collège a fini par exclure mon fils pour cause de désaccord sur le projet éducatif… Oui, aussi incroyable que cela puisse paraître, notre fils jamais violent, jamais agressif, n’ayant jamais eu que des compliments et aucun reproche de la part de ses professeurs, exclu par une directrice dépassée par les événements… Toute notre famille a été bouleversée par cette exclusion totalement arbitraire et injustifiée, mais notre fils encore plus, ne comprenant pas les reproches qu’on pouvait lui faire, lui qui avait enfin dénoncé les mauvais agissement de certains camarades. Je ne peux pas vous donner plus de détails sur les faits, car nous avons bien évidemment engagé une avocate pour rendre justice à une situation qui ne devrait jamais exister, ni de la part des élèves, ni de la part d’un établissement scolaire. Après deux mois et demie de déscolarisation et pas du tout aidé par le rectorat, il a enfin été admis dans une autre école. Malheureusement le confinement pour cause de covid-19 démarrait 4 semaines après, et il préférait étudier à la maison. Avec seulement trois mois de présence en cours cette année, il passera tout de même en 4ème. Avant de le re-scolariser de nouveau dans un établissement public, nous avions étudié d’autre possibilités, comme la scolarisation à domicile, mais nous n’en sommes pas fan, gardant toujours une lueur d’espoir dans une certaine forme d’intégration sociale. Nous avons regardé également d’autres formes d’écoles privées spécialisées pour les élèves Asperger et HP, non plus basées sur des classes, mais sur des niveaux d’aptitudes, mais il en existe peu en France. Le concept était très intéressant, mais avec bien souvent deux ans d’attente et surtout des coûts exorbitants. Pour plusieurs raisons dont le coût, mais surtout la peur du changement de région pour notre fils, nous avons décidé de continuer dans le public espérant qu’il aura plus de facilités désormais. C’est selon moi ce genre de scolarité qui devrait être rendu public, et surtout adapté à toute forme de particularités et de capacités.

Ce genre de situation n’est malheureusement pas unique et aurait plutôt tendance à se dégrader. Ce qui était encore tolérable dans les années 70-80 à mon époque, ne l’est plus aujourd’hui. La scolarité n’est pas seule responsable malheureusement. Nous vivons dans un monde de pression qui ne cesse d’augmenter de façon exponentielle et où l’esprit de compétition est inculqué dès le plus jeune âge. Régler un seul problème ne suffira pas. Cela ne fera qu’en déséquilibrer un autre. Il faudrait que tout change dans son ensemble. Nous ne sommes pas dans un monde de douceur, et malheureusement tout est lié. C’est pour cela qu’on voit de plus en plus de Hikikomori, dont les origines sont tout naturellement au Japon, apparaître également en France ces dernières années. Alors que l’accumulation des difficultés à mon époque nous permettaient de tenir jusqu’à 25-30 ou 40 ans, les choses vont malheureusement trop vite de nos jours. C’est de plus en plus jeune, dés l’âge de 13-14-15 ans que certains enfants commencent à s’isoler sous le terme d’Hikikomori, dont la grande majorité des cas ne sont que des autistes Asperger non diagnostiqués par manque de connaissances. Il y a maintenant en France des dizaines de milliers de personnes qui vivent recluses et qu’on passe sous silence. Mon fils avant même le reportage et son diagnostic d’autiste Asperger, grand fan du Japon, se définissait déjà comme un Hikikomori.

Reportage sur France5 en juin 2020 : Hikikomori : les reclus volontaires ?
Sachant que les gouvernements ne renonceront pas de si tôt à leur toute puissance qui est en train de mettre le monde à mal, l’école doit s’adapter à l’enfant dans toutes les formes de scolarité mais également d’éducation. Les enseignants doivent être mieux formés et ils doivent être secondés par plus de psychologues mieux formés également, pour permettre à nos enfants de ne pas sombrer aussi facilement dans la phobie sociale ou la solastalgie.

Ce n’est pas à l’enfant de s’adapter à l’école, c’est l’école qui doit s’adapter à lui.

Christian Marzocca

Autiste asperger ainsi que son fils

Il nous a envoyé ce texte en commentaire de notre site avec ces mots « Je me permets de grandement vous encourager dans vos actions. Bon courage à vous et merci pour vos actions. »

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