Publié dans « Société éducatrice »
Préambule : L’école sanctuaire, un modèle qui a bonne presse, et la vie dure
C’est l’école telle que chacun se la représente spontanément et en a le plus souvent la nostalgie. Un lieu fermé, protecteur, où l’on maintient les jeunes à l’abri des turbulences de la société pour leur transmettre des connaissances. Les enseignants y « font cours », les élèves écoutent, sont au mieux invités à « participer », font des exercices.
Parfois la porte du sanctuaire s’entrouvre : l’aubaine d’une classe verte ou d’une sortie culturelle, la conférence d’un témoin historique, le témoignage de l’expérience d’un parent… Le succès de ces initiatives réjouit chacun. Si la plupart des enseignants ont le souci de « motiver les élèves », de les « impliquer dans leurs apprentissages », s’ils considèrent avec bienveillance les initiatives à caractère humanitaire entreprises dans le cadre du foyer du collège ou du lycée, ils ne sont pas si nombreux à mettre en cause le modèle de l’école sanctuaire. Le grand public (et les classes populaires peut-être encore moins que d’autres) conteste rarement la légitimité de l’école (1) à faire de la transmission des savoirs sa prérogative exclusive.
(1) J’entends par là le système éducatif dans son ensemble.
L’école de la société éducatrice : Un projet « pas pour de semblant«
Donner à la jeunesse toutes ses chances « d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas prévu », « les préparer d’avance à la tâche de renouveler un monde commun. »
Hannah Arendt
Quand des employés de l’office du tourisme, de la société de transport de la ville de Grenoble et des enfants d’une école primaire réalisent ensemble une série de fiches-guide destinées à permettre aux familles qui n’ont pas de voiture de s’aérer pendant le week-end, l’école, les entreprises et la commune concernées ne leur font pas le cadeau d’un supplément d’âme au travail scolaire.

Pour que le projet aboutisse, il aura fallu passer par des temps d’analyse, d’enquête, de discussion, de confrontation. Il aura fallu tester et calculer les trajets, utiliser des cartes, réaliser des schémas, imaginer toutes sortes de solutions et s’intéresser aux résultats obtenus, rédiger des explications, mettre en page des documents… Tout choses qui nécessitent un recours vivant et intensif aux langues orale et écrite, aux mathématiques, aux modes d’expression artistiques et conduit à se confronter à des notions d’histoire, de géographie, d’économie, de droit …
Le monde d’aujourd’hui inquiète ou questionne les jeunes dès l’enfance
Avec le modèle de la société éducatrice, les collectivités locales, les professionnels ou les simples citoyens de la société civile les aident à faire face aux défis de la société sociaux et environnementaux qui advient.
Avec le modèle de la société éducatrice, l’institution s’appuie sur l’exercice des responsabilités civiques, politiques, éducatives et culturelles. Elle les suscite plutôt que de les abandonner à la « vraie vie », à savoir la famille, les clubs sportifs, les mouvements d’éducation populaire, les associations.
Les domaines de la santé, de l’urbanisme et des transports, de l’écologie, de l’économie, de l’énergie, de la bio diversité, de la culture ou de la solidarité devraient être investis par l’école. Des municipalités soucieuses de démocratie participative devraient encourager, soutenir et même initier de tels projets.
En s’impliquant dans les affaires de la cité, les jeunes se mêlent de ce qui les regarde et développent des qualités telles que l’esprit d’initiative, la réflexion, la créativité, la capacité d’analyse, le sens de l’intérêt collectif et de l’engagement, etc. – et donc acquiérent des connaissances et des compétences que l’école actuelle néglige ou ignore.
Emmanuèle Buffin
Association Française pour la Lecture
Ecole de la Villeneuve de Grenoble