Publié dans « Système éducatif ».
« Le CNR (Conseil National de la Résistance) en 1944, pensait à la formation de la jeunesse. Le plan Langevin Wallon en témoigne. Il entendait réformer le système instauré par Jules Ferry, considérant possible « que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles, […] que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance, mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires ». L’expérimentation impulsée, interrompue en 1947, a pu montrer l’intérêt des « méthodes actives». Malheureusement, le processus de sélection/exclusion s’est poursuivi et l’on constate aujourd’hui que les « apports populaires » reculent au profit des beaux quartiers. Le formatage, libéral, après le détour pétainiste (les écoliers devaient chanter Maréchal, nous voilà !) a repris et installé solidement dans les esprits l’individualisme et le sentiment Thatcher : no alternative. Aujourd’hui, dans les appels pour le monde d’après, l’éducation n’est même pas évoquée !
Comme s’il était impossible de mettre en question l’institution scolaire. Pourtant, en 68, on avait eu cette audace. Des impertinents avaient osé détrôner Jules Ferry, et rappeler son discours de 1879 : « Il est à craindre que d’autres écoles ne se constituent, ouvertes aux fils d’ouvriers et de paysans, où l’on enseignera des principes totalement opposés, inspirés peut-être d’un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre comprise entre le 18 mars et le 24 mai 1871. » La Commune. Ferry était du côté des bourreaux. Son intention de formatage explicite est dénoncée comme telle par une petite minorité clairvoyante : former des citoyens respectueux de l’ordre bourgeois, des patriotes fiers de l’oeuvre civilisatrice dans les colonies, prêts à mourir pour la patrie (ce qui n’a pas manqué). Cette intention avouée a duré, jusqu’en 68, comme en témoigne ce fait : dans toutes les classes, la matinée devait commencer par une leçon de morale. Son résumé devait être calligraphié, après la date, sur le « cahier du jour », que l’inspecteur ne se privait pas de contrôler. »
Extrait du texte de Raymond Millot dans l’ouvrage collectif « Résistons ensemble pour que renaissent les jours heureux »
